Le Royaume-Uni est le pays de l’Occident qui fixe le rythme en termes d’approbation et d’utilisation du vaccin contre le Covid-19 dans le monde. Premier pays a avoir approuvé l’utilisation du vaccin Pfizer/BioNtech au début du mois de décembre, il est également le premier à avoir injecté le vaccin AstraZeneca/Oxford à sa population ce lundi 4 janvier.
Autre nouveauté dans la politique vaccinale outre-Manche, la semaine dernière, le délai entre les deux injections a été rallongée afin de vacciner plus de monde contre le SARS-CoV-2. De 21 jours, le délai entre les deux doses de vaccin Pfizer/BioNTech est passé à “au moins 21 jours” et 12 semaines maximum, afin de vacciner plus de monde.
“Raisonnable d’offrir une dose du produit disponible”
Pourtant, lors des essais cliniques, l’intervalle entre les deux doses administrées était de 3 à 4 semaines pour garantir une efficacité à 95%. Mais maintenant qu’un deuxième vaccin est disponible, le personnel du NHS, le système de santé publique du Royaume-Uni, est autorisé à mélanger les deux vaccins, c’est-à-dire recevoir une deuxième dose différente de la première, dans le cas où cela est nécessaire.
Comme le rappelle le Guardian, le “livre vert” Covid de Public Health England précise qu’il est “raisonnable d’offrir une dose du produit disponible pour compléter le calendrier”, si le vaccin utilisé pour la première dose n’est pas disponible ou s’il n’y a pas de trace du premier vaccin utilisé.
Une approche encore jamais testée
Ceux qui ont reçu une première injection du vaccin Pfizer/BioNtech peuvent donc recevoir celui d’AstraZeneca pour la seconde injection. Aux États-Unis, les experts s’inquiètent d’une telle approche qui va à l’encontre des directives car elle n’a jamais été testée ni approuvée. Le New York Times rappelle que les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) affirment que les vaccins Covid-19 autorisés ne sont “pas interchangeables” et que “les deux doses de la série doivent être complétées avec le même produit.”
Sondé par le média américain, John Moore, expert en vaccins à l’Université Cornell, estime que les responsables britanniques “semblent avoir complètement abandonné la science et essaient simplement de tenter de sortir de ce bazar.”
“Probable” que la deuxième dose stimule la première
Cet article publié par le New York Times a fait grand bruit au Royaume-Uni. La rédactrice en chef du British Medical Journal Fiona Godlee a demandé au média américain une “correction urgente” de cet article “trompeur” qui suggérait que le Royaume-Uni avait élaboré des plans pour administrer deux doses différentes.
Le Dr Mary Ramsay, responsable des vaccinations de Public Health England, a ajouté que l’agence de santé britannique n’avait jamais recommandé de mélanger les deux vaccins mais que cela était la meilleure solution dans des situations extrêmes. “Si votre première dose est le vaccin Pfizer, vous ne devriez pas recevoir le vaccin AstraZeneca pour votre deuxième dose et vice versa. [...] Mais lorsque ce n’est pas possible, il vaut mieux donner une deuxième dose d’un autre vaccin que rien du tout”, notamment lorsque l’individu est susceptible d’être à haut risque. D’après les recommandations britanniques, comme les deux vaccins visent la protéine de pointe du coronavirus SARS-CoV-2, “il est probable que la deuxième dose aidera à stimuler la réponse à la première dose.”Le principal risque : l’inefficacité
Pour Marc Gastellu-Etchegorry, épidémiologiste et directeur adjoint d’Épicentre (Centre d’épidémiologie de MSF), le principal risque d’un assemblage de ces deux vaccins est l’inefficacité : “Les vaccins ont des effets nocifs, mais avec ce système ils ne devraient pas se surajouter. L’effet de chaque vaccin peut être nocif mais pas la combinaison des deux. À partir du moment où les effets immunologiques sont censés être les mêmes, l’hypothèse me semble raisonnable.” En revanche, l’épidémiologiste de Médecins Sans Frontières reconnaît qu’un essai clinique pour approuver cette méthode serait utile. “Il faudrait mettre en place dès maintenant un essai clinique qui consisterait à vacciner des personnes avec les deux vaccins afin de voir la réaction en termes d’anticorps. Cela répondrait aux problèmes de logistiques qui peuvent être important quant à la distribution et au réapprovisionnement en temps réel des vaccins.”
Si Marc Gastellu-Etchegorry souligne que “mélanger” les doses vaccins n’est pas compatible avec tous les vaccins, cette méthode a déjà été utilisée par le passé. “Il y a eu des campagnes de vaccination contre la polio avec le vaccin oral qui a été mélangé pour certaines personnes avec un vaccin injectable et il n’y a eu aucun problème.” La montée d’anticorps sera probablement meilleure qu’en l’absence de seconde dose, mais le plus gros risque semble être l’inefficacité d’après l’épidémiologiste, qui ajoute qu’il est sans aucun doute mieux d’utiliser le même vaccin pour les deux doses, même si les résultats peuvent parfois être très surprenants. “Avec les moyens et les techniques qui nous permettent de mesurer les anticorps développés et de savoir s’ils sont neutralisants, en à peine deux mois, on pourrait commencer à avoir des éléments de réponse”, conclut-il.
Par Maxime Poul
Yahoo Actualités
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