Crise anglophone au Cameroun : la nationalité des leaders séparatistes arrêtés débattue au tribunal

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Les leaders de l’autoproclamée république d’Ambazonie arrêtés au Nigeria le 5 janvier 2018 ont pris
part à la deuxième audience dans l’affaire qui les oppose à l’État du Cameroun. Leur procès, marqué par un débat houleux sur leur nationalité, a été renvoyé au 7 février.
La tension est montée d’un cran le jeudi 10 janvier au tribunal militaire de Yaoundé, lors de la deuxième audience publique dans l’affaire Sisiku Julius Ayuk Tabe et les autres cadres du mouvement séparatiste contre le ministère public du Cameroun. À l’origine de cette ambiance électrique qui a plusieurs fois tourné aux altercations entre avocats, un débat sur la nationalité des accusés. Car lors de leur présentation à la cour, ils ont tous renié la citoyenneté camerounaise.
« Je ne suis pas Camerounais, je suis un citoyen de l’ancien Southern Cameroons britannique, également connu sous le nom d’ “Ambazonie” », a ainsi affirmé Sisiku Julius Ayuk Tabe, le président de l’autoproclamée « république d’Ambazonie », ouvrant le bal à ses neuf coaccusés qui lui ont tous emboîté le pas. Une position ferme, qui a amené l’important collège de la défense – composé de près d’une cinquantaine d’avocats dont trois anciens bâtonniers du barreau – à soulever une objection préliminaire.
Sisiku Julius Ayuk Tabe avait été arrêté le 5 janvier dans un hôtel d’Abuja en compagnie de neuf autres cadres de son mouvement, alors qu’il présidait une réunion consacrée à la « crise des réfugiés » issus du Cameroun anglophone au Nigeria.

Demande de suspension d’audience

La défense des leaders ambazoniens a ainsi demandé une suspension d’audience, afin d’établir la nationalité des accusés. « Le tribunal militaire n’est pas compétent pour juger ces personnes en l’état, en raison des questions que soulève leur nationalité », a lancé Me Patrick Yong, évoquant l’article 41 du code de la nationalité camerounaise qui déclare les juridictions civiles compétentes pour ces cas. « Il faut déterminer de quelles nationalités sont les accusés avant de les juger. Ils doivent être renvoyés vers le Nigeria, leur lieu de résidence, pour traiter de cette affaire conformément à l’article 42 du code de la nationalité », a renchéri Me Eya Peter.
SEUL LE CERTIFICAT DE NATIONALITÉ FAIT FOI, DIT LA LOI, OR VOUS N’AVEZ PAS PRÉSENTÉ CES DOCUMENTS ICI
Pour la partie civile cependant, des documents attestant que les accusés sont bel et bien camerounais existent. « Nous disposons des preuves qu’ils sont Camerounais. Nous avons leurs cartes nationales d’identité et leurs passeports. Certains parmi eux ont été des fonctionnaires au Cameroun donc des employés de l’État, et vous nous dites qu’ils ne sont pas Camerounais ? », a interjeté le commissaire du gouvernement.
« Ni le passeport ni la carte nationale d’identité ne prouve la nationalité de quelqu’un, seul le certificat de nationalité fait foi, dit la loi, or vous n’avez pas présenté ces documents ici », a immédiatement répliqué Me Akere Muna.
NOUS AVONS LES PREUVES QUE NOUS SOMMES RÉFUGIÉS, DONNEZ-NOUS JUSTE LA POSSIBILITÉ DE LES PRODUIRE

Audience renvoyée au 7 février

À 19 h 25, après plusieurs heures d’échanges d’arguments, le président du tribunal, le colonel Mem Michel, a été contraint d’ordonner une pause, afin de calmer les esprits qui commençaient à s’échauffer. À la reprise, le statut de réfugiés de certains des accusés a également été évoqué.
« Le commissaire du gouvernement nous demande de produire des documents qui prouvent que nous ne sommes pas Camerounais et que nous étions réfugiés au Nigeria. Depuis le 5 janvier que nous avons été kidnappés à Abuja, nos pièces ont été saisies et nous sommes gardés au secret sans contact avec qui que ce soit. Nous avons les preuves que nous sommes réfugiés, donnez-nous juste la possibilité de les produire », a plaidé Elia Eyambe Ebai, l’un des dix accusés du jour.
Vers 21 h 30, après une énième concertation avec ses assesseurs, le président du tribunal a finalement reporté l’audience au 7 février, afin de donner du temps aux deux parties de présenter les pièces prouvant la nationalité camerounaise des accusés d’une part, et leur statut de réfugiés d’autre part.

La garde présidentielle nigériane impliquée ?

L’audience du 10 janvier a également été l’occasion d’en savoir davantage sur les conditions d’arrestation de Sisiku Julius Ayuk Tabe et de ses coaccusés au Nigeria. Au cours des débats, l’avocat nigérian Abdoul Orock a ainsi révélé que des sources au département de la Sécurité de l’État nigérian lui ont confié que l’opération avait été menée par les soldats de la garde présidentielle nigériane, sans l’intervention des autres services de sécurité de l’État nigérian.
Selon le même avocat, prés de 210 000 Camerounais seraient actuellement réfugiés dans son pays, parmi lesquels seuls 30 000 d’entre eux ont pu être enregistrés par les organisations de l’ONU en charge des réfugiés.
Par Jeune Afrique

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