Rixe à Orly : ce qu’ont déclaré Booba et Kaaris en garde à vue

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Devant les enquêteurs, les deux rappeurs ont tous deux plaidé « la légitime défense » et nié avoir orchestré la bagarre.

Il est 20h10 mercredi lorsque Élie Yaffa et Okou Gnakouri prennent place, à quelques centaines de mètres d’écart, devant les enquêteurs de la Direction de la police aux frontières (DPAF) à l’aéroport d’Orly (Val-de-Marne). Les deux ennemis ne sont plus les célèbres rappeurs Booba et Kaaris mais deux hommes de 41 et 38 ans, en garde à vue pour s’être livrés à une bagarre déplorable avec leurs clans respectifs six heures plus tôt. Finies les joutes verbales par « flows » interposés : tous deux font acte de contrition et nient avoir prémédité la rixe à des fins publicitaires, selon les procès-verbaux d’auditions que nous avons consultés.
« Je regrette que ça soit arrivé […] Je fais la différence entre la violence du rap et ma vie réelle, qui est celle d’un père de famille qui s’occupe des siens », affirme Kaaris, qui précise qu’il aurait « changé d’avion » s’il avait su la présence de son rival. « Avec tout ce qui se passe – Vigipirate, les attentats, les militaires –, c’est une mauvaise idée de faire ça dans un aéroport. La preuve, on est tous en cellule », se défend, de son côté, Booba.
L’un comme l’autre réfutent être à l’origine du pugilat. L’exploitation des caméras de vidéosurveillance, couplée à leurs déclarations, permet cependant de retracer la chronologie des faits.

Booba a asséné le premier coup

A 14h50, mercredi, Kaaris apparaît dans le champ d’une caméra qui couvre la zone des boutiques de duty free de la salle d’embarquement n° 10. Assis avec trois amis et son DJ, il s’adonne à une séance de photos avec quelques fans dans l’attente de son vol pour Barcelone, où il doit se produire dans un complexe. Booba, qui a déjà passé les contrôles, n’est qu’à quelques mètres de là, sur l’allée principale. Il doit prendre le même vol pour un concert dans une boîte de nuit barcelonaise. Lorsqu’il aperçoit son rival, il se met à marcher « d’un pas déterminé » dans sa direction. Accompagné de Cheick F., son garde du corps, il lâche son sac au sol. Kaaris, lui, fait quelques pas vers Booba avant de reculer.
« A 14h56 et 20 secondes, constatons (NDLR : sur les vidéos) l’accélération de Booba et Cheick F. qui se ruent sur Kaaris, Booba lui porte alors un coup de pied de face », note un enquêteur.
VIDEO. La bagarre générale à Orly expliquée minute par minute « Booba et ses amis ont avancé vers nous en nous disant Lève-toi salope, on va baiser ta femme comme dans la chanson (sic) […] J’ai répondu en disant Je suis là », confirme le rappeur de Sevran, qui précise que « les coups pleuvaient ». De son côté, Booba impute un comportement « provocateur » à son rival : « Il était debout et me fixait […] J’appelle ça de l’intimidation. » Le Duc de Boulogne admet qu’il a fait le premier pas, mais simplement pour « contourner » son ennemi. Et si la bagarre a débuté, poursuit-il, c’est parce qu’il a reçu « un projectile sur l’oreille droite ». Un épisode qui n’est pas visible sur les caméras.
« Quels étaient ces projectiles ? », l’interroge un policier. « Je ne sais pas exactement, des bonbons, des bouteilles, du parfum de la boutique », répond Booba, qui n’a pas le « souvenir » d’avoir insulté Kaaris et sa famille. Là, les deux clans se frappent violemment à coups de poing, de pied… et de parfums : un flacon « Allure Homme sport » ensanglanté a été retrouvé. Booba reconnaît s’en être emparé, mais pas pour l’utiliser « comme arme ou projectile » : le sang serait le sien.
Les images montrent ensuite le groupe de Kaaris en difficulté. Celui-ci est en infériorité numérique. Le rappeur natif d’Abidjan se réfugie dans un duty free, Booba à ses trousses. Un proche qui lui vient en aide est tabassé par le rappeur boulonnais et deux membres de son clan en même temps : « Je concède que sous le coup de la colère et l’énervement, suite aux coups de bouteilles qu’il avait mis avant, on lui a mis une raclée », explique Booba, qui dit avoir manqué de se faire ouvrir le crâne.

Des différends tenaces ?

Booba comme Kaaris justifient leurs coups par « la légitime défense » en réaction à « une agression » du camp adverse. Interrogé sur leurs différends personnels, le premier déclare : « On a des antécédents, des clashs sur les réseaux sociaux. […] C’est moi qui ai lancé Kaaris, il a eu des paroles que je n’ai pas appréciées. Il y a eu des vidéos où il me menaçait, où il annonce clairement que lorsqu’il me verra seul en vrai, il m’enculera, me brisera les os et boira mon sang. Tout y est ! »
VIDEO. De frères à ennemis, l’origine de la guerre d’ego entre les deux rappeurs Des paroles que minimisent le second. « Je suis un acteur, j’ai dit choses que je ne pensais pas », assure-t-il, rappelant que la vidéo date de 2014. Pour Kaaris, qui fut un temps proche de Booba, le rappeur boulonnais « est en guerre avec le monde entier ». « Il m’a demandé de faire une chanson dans laquelle je devais insulter la mère de La Fouine qui est décédée et Rohff (NDLR : deux rappeurs). J’ai refusé. A partir de ce moment-là, il a commencé à me poser des problèmes dans le quartier. » En clair : des enfantillages par réseaux sociaux interposés seraient à l’origine de la bagarre…
Dans l’attente de leur procès en septembre, avec 9 membres de leurs clans, Booba est incarcéré à Fleury-Mérogis (Essonne), Kaaris à Fresnes (Val-de-Marne).
Jérémie Pham-Lê
LeParisien.fr

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